Astres, ciels

La tête dans les nuages, les pieds sur terre

Mais que disent les nuages ?

 

Quand j’étais enfant - et même un peu après - les ciels bleus 
tout bleus du haut en bas et de long en large si bleus 
qu’on aurait pu dire bleus de plomb 
m’ont fait rêver
parfois


C’étaient les ciels d’ îles lointaines 
bien plus loin que notre Riviera 
cocotiers  vahinés 
sans crocodiles
ciels immobiles 
comme l’eau transparente du lagon 
comme le sable immaculé

Ils m’ont fait rêver un instant.


Plus tard dans toutes les salles d’attente 
ils se sont mis à me poursuivre à m’enivrer m’énerver me droguer
salles d’attente lieux parenthèses 
où rien ne peut 
vous arriver
encore.


Un jour, face à ces montagnes de papier glacé je compris l’origine de ma colère.
Il manquait tout simplement dans ces ciels mortifères quelque chose de vivant 
d’incertain de fragile d’inutile de fugace et surtout de mystérieux,
une petite chose qui pouvait être blanche, grise, rose...


L’imprimeur avait oublié gommé interdit 
le moindre nuage
même blanc !

 

 

Plus tard, j’allais bien toujours (quelques fois) chez le dentiste
je me mis à regarder en l’air d’une autre façon
au moindre nuage je sortais yeux  rivés 
sur ces êtres étranges et changeants 
mystérieux
qui tantôt traversent le ciel à toute allure tantôt restent figés 
comme pour se faire oublier.

 

Peu à peu j’avais enfin compris que les nuages ne sont ni de l’eau ni du vent 
mais des êtres vivants

moutons  angelots rois mendiants à longue barbe girafes baleines fées sorcières reines diables  

tous nous regardent tous nous surveillent depuis longtemps.
Incroyable ménagerie, merveilleux hospice - sans chaîne - fantastique nurserie  
malicieux et bienveillants tous ces êtres nous parlent, secrètement
mais depuis longtemps nous ne leur adressons que nos pauvres et belles espérances

prières vœux souhaits jurons psaumes caprices rêves pétitions suppliques


                                                         Mais ceci est bien peu


Loin de ces ciels bleus uniformes traités javellisés obéissants à l’utopie du  farniente
les nuages, eux, caracolent soufflent se faufilent se précipitent se prélassent
un poisson à lunettes veut épouser un écureuil un géant lutine une souris
l’astrologue rêve à la lune et Gargantua se fait une bouchée à la Reine
tous partagent leurs jeux se bagarrent puis très vite s’embrassent
les repas ne sont que fêtes d’éclairs et de crème chantilly 
à peine le rideau tombé la lune ouvre le bal

 

Ainsi les nuages vont et viennent 
menaçants ou caressants 
enjôleurs ou menteurs
décidés hésitants 
ils sont en nous.


Sans un nuage
le ciel fait 
peur